C'est ma tasse de thé : maths-français

Le Soleil (Dakar)

14 Juillet 2005
Publié sur le web le 14 Juillet 2005

Par Djib Diedhiou


« Le français étant une langue inapte au calcul, il est tout à fait normal qu'il soit disqualifié comme langue internationale ». Ce jugement péremptoire est d'Itaro Ishihara, le tonitruant gouverneur de Tokyo. C'était en octobre.

Cela lui vaut une plainte déposée par 21 francophones, dont sept Français, comme l'a révélé hier la chaîne de TV japonaise NHK. Le procureur examinera la recevabilité de ce recours. Les plaignants réclament 3.800 euros, en guise de dommages-intérêts, et des excuses dans la presse. Leur argument ? La langue de Molière est la langue maternelle de 180 millions d'individus à travers le monde (de travail ou d'adoption, oui. Mais « maternelle » ? C'est un peu fort de café).

En outre, c'est l'un des idiomes officiels de bon nombre d'organisations internationales. Cet Ishibara semble être un Le Pen nippon. Il est l'auteur d'un pamphlet anti-américain publié en 1989, « Le Japon sans complexe ». Il a traité les Chinois et les Coréens résidant à Tokyo, de « personnes du tiers-monde ».

Cette fois, il avait voulu ainsi dire leur fait à ceux qui s'opposaient, au sein de l'université municipale de Tokyo, au projet de réduction des sections spécialisées en littérature étrangère, notamment le département de français. Ses adversaires ont estimé que sa déclaration dépréciait le français « dans l'opinion publique en donnant l'impression (qu'il) est une langue primitive et infantile ». On fait remarquer que le nombre de Japonais parlant, français, a fléchi ces dernières années, au profit du chinois et du coréen. Normal peut-être. Le français, pour un Japonais, c'est pour aller visiter Paris et la tour Eiffel, appareil photo en bandoulière. Alors qu'avec les deux autres langues, c'est pour les relations de bon voisinage et le commerce.

Après tout, Euclide a écrit son fameux théorème, non pas en grec, mais en japonais très châtié. Et l'algèbre, ce casse-tête chinois pour bien des lycéens ? Mais c'est en japonais et en anglais que les Arabes l'ont fait connaître à l'Humanité, voyons ! Mais si Ishihara est condamné par le tribunal, cela fera jurisprudence. Personne ne dira plus que le wolof, le diola, le bambara, le lingala, le fon et toutes les autres langues africaines sont inaptes à transmettre les maths. Avec l'anglais, le japonais serait-il une menace pour le français ? Va-t-on parler franjaponais ? Alors, francophiles de tous les pays, banzaï ! Soyez les samouraïs de la défense et de l'illustration de cette langue !